En Russie, dans la nuit du 25 au 26 octobre 1917 selon le calendrier julien, 6 novembre selon le calendrier grégorien, Lénine, fondateur et chef du parti communiste bolchevik, « majoritaire », – à la suite des événements de février 1917 qui ont déjà conduit le Tsar Nicolas II à démissionner – , s’empare du pouvoir et met fin définitivement à dix siècles de régime tsariste, autocratique et répressif. L’URSS, qui naîtra officiellement en 1922, est en réalité un régime totalitaire bien pire, parce que délibérément programmé pour fonctionner par la force et la terreur : fin 1917, instauration d’une police politique, la Tcheka (qui signifie « Commission extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution et du sabotage »), ancêtre du KGB, bien plus importante que la police politique du tsar ; dissolution des partis, syndicats et associations autres que bolcheviques ; abolition des libertés publiques ; instauration de la dictature du prolétariat en juin 1918 ; mise en place d’un système concentrationnaire en 1918 par Trotski, puis développé par Lénine dans le cadre du goulag en 1919, lequel connaîtra son plein développement sous Staline.
En effet, le communisme va produire en URSS un mode de gouvernement redoutablement efficace pour aliéner cet « homme nouveau ». Djerzinski, fondateur de la Tcheka, ira jusqu’à dire : « La contrainte prolétarienne sous toutes ses formes en commençant par les exécutions capitales, constitue une méthode en vue de créer l’homme communiste ». Sympathique le garçon, un amoureux de la liberté ! Il faudra soixante-quatorze ans pour que l’État soviétique rende gorge, en 1991. Malheureusement, près de 20 millions de citoyens russes auront été tués par Lénine, Trotski, Staline (qui signifie « l’homme d’acier ») et les apparatchiks de ce régime.
Si encore cette funeste conception de l’homme et de la société n’avait été appliquée qu’en URSS, c’eût été un moindre mal. Le plus triste, c’est que cette doctrine communiste, théorisée par Marx et Engels et dénoncée par Pie IX dès 1846 (« Cette doctrine néfaste qu’on nomme le communisme, radicalement contraire au droit naturel lui-même ; pareille doctrine, une fois admise, serait la ruine complète de tous les droits, des institutions, des propriétés et de la société humaine elle-même »), sera pire que toute autre forme de dictature car elle se veut universelle. Et, de fait, elle s’étendra dans le monde entier, avec un point culminant dans les années 1970. Les paroles du chant révolutionnaire « l’Internationale » (poème composé par un français en 1871 et mis en musique par un autre français en 1888), adopté par les partis et les syndicats marxistes, hymne officiel soviétique jusqu’en 1944, expriment clairement cette prétention : « C’est la lutte finale,/ groupons-nous et demain,/ l’Internationale/ sera le genre humain. » Voici pour le refrain. Le deuxième couplet mérite aussi toute notre attention : « Il n’est pas de sauveurs suprêmes :/ Ni dieu, ni césar, ni tribun,/ Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes !/ Décrétons le salut commun !/ Pour que le voleur rende gorge,/ Pour tirer l’esprit du cachot/ Soufflons nous-mêmes notre forge,/ Battons le fer quand il est chaud ! » Le ton est donné !
Quelques temps auparavant, le 13 mai 1917, dans un tout petit village de l’extrême ouest de l’Europe, à Fatima, au Portugal, et durant six mois, Dieu, dans sa grande bonté pour l’homme, prévient du danger qui se prépare. Lui, qui connaît de toute éternité le passé, le présent et le futur, envoie sa meilleure ambassadrice, la Vierge Marie, auprès de trois jeunes enfants, pour supplier les hommes de beaucoup prier pour la Russie afin qu’elle se convertisse et ne répande pas ses erreurs dans le monde entier. Autrement, il y aura de nombreuses persécutions contre l’Église et contre les hommes. Mais les hommes n’ont pas écouté. Aussi, le communisme a-t-il essaimé de par le monde sa conception de l’homme et de la société, et des pays entiers s’y sont « convertis » et demeurent encore sous ce joug, sans compter les tentatives révolutionnaires marxistes de prises du pouvoir. Bilan : près de 100 millions de morts en un siècle. Un détail ! Quelle terrible responsabilité portent des hommes comme Enver Hodja en Albanie, Pol Pot au Cambodge avec ses Khmers rouges, Mao en Chine, Kim Jong-Il en Corée du Nord, Fidel Castro à Cuba, Ceaucescu en Roumanie, et bien d’autres !
Mais comment cette machination universelle, œuvre du Mal, a-t-elle pu prendre corps ? Comment peut-on arriver à une telle folie meurtrière ? Comment des hommes ont-ils pu se laisser entraîner dans ce cycle de violence pour réduire leurs frères en esclavage ou les conduire à la mort alors qu’ils prétendaient les libérer de toute forme d’aliénation, et spécialement de la religion ? Surtout, comment des hommes politiques et des intellectuels, particulièrement en Europe occidentale, à l’esprit pourtant soi-disant si éclairé, ont-ils pu louer Staline et tous les autres et se taire alors qu’ils connaissaient leurs mensonges et leur comportement meurtrier ? Parce que c’est du cœur de l’homme que sortent les mauvaises pensées et les mauvais actes, nous dit le Christ (cf Mt 15, 19). Parce que, également, quand l’homme ne s’appuie pas sur Dieu, il est capable du pire. Il est alors aveuglé et perd le sens du Bien.
Il est vrai que si des idéologies totalitaires sont nées au 19e siècle et ont pu être appliquées au 20e, c’est bien parce que les injustices de l’époque ont provoqué des indignations légitimes. Tel est le cas, notamment, des abus de la révolution industrielle et de la société capitaliste bourgeoise qui ont créé des bataillons de révolutionnaires. Mais, la subtilité du marxisme, véritable singerie du christianisme (avec ses prophètes, son Christ, ses dogmes, ses apôtres, ses sacrements) c’est d’avoir su utiliser ce fond de vérité pour proposer un messianisme temporel athée, à partir d’une analyse faussée de l’histoire de l’humanité. Cela fera dire à Pie XI, en 1937, qu’il est « intrinsèquement pervers ». Aussi, Trostki, Lénine, Staline et les autres n’ont donc pas dévoyé une philosophie pure. Celle-ci n’a pu produire que ce qu’elle pouvait donner : de mauvais fruits.
Nul doute que tous ces grands totalitarismes communautaires du 20e siècle (j’y associe bien évidemment le nazisme et les nationalismes exacerbés), ont largement contribué par leurs excès à faire émerger une nouvelle idéologie très prégnante (voire totalitariste à sa manière) dans notre société de consommation : l’individualisme et ses corollaires, le relativisme et le rejet des institutions, considérées comme un carcan pour vivre pleinement libre et heureux. Le christianisme a supplanté les idéologies mortifères du 20e siècle pourtant si prometteuses de bonheur et de paix. À lui maintenant de relever ce nouveau défi face à l’individualisme, car aujourd’hui, comme hier, l’enjeu de la bataille concerne l’avenir de l’homme : son éternité avec ou sans Dieu. Au fait, à quand un procès du communisme ? comme il y a pu avoir celui du nazisme !
• Vincent Terrenoir
Octobre 2007