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Qu’est-ce que la Parole de Dieu ?

Article publié le 9 janvier 2025 par Père Jérôme MONRIBOT dans Billets spirituels

Tout récemment, le 24 novembre 2024, le pape François a décrété et publié, comme acte de son magistère et sans aucune autre qualification technique et juridique, le document final du Synode « Pour une Église synodale : communion, participation, mission ». Ce faisant, le pape exhorte ainsi – ex cathedra – les différentes assemblées épiscopales du monde à s’approprier le texte comme « Parole de Dieu » et à mettre concrètement en œuvre ses orientations dans la vie même de leurs propres Églises locales. Cette démarche, plutôt atypique au regard des normes qui régulent habituellement les actes du Magistère de l’Église, nous conduit alors à nous interroger sur le phénomène intérieur qu’implique, dans notre esprit, la promulgation officielle d’un texte présenté comme Parole de Dieu.

I. Qu’est-ce que croire ?

Croire est un acte personnel qui relève de notre conscience et des facultés intellectuelles et morales qui sont les nôtres. En ce sens, « croire » est un acte libre et raisonnable et les énoncés théologiques de la foi qui sont proposés à notre entendement font eux-mêmes appel aux concepts de la philosophie qui, de ce fait, devient ainsi l’humble servante de la théologie, selon l’expression consacrée de saint Thomas d’Aquin.

La foi est ainsi une lumière supplémentaire pour notre esprit. À travers le secours que constitue cette grâce divine, nous pouvons dès lors connaître, autant que possible, des réalités surnaturelles qui, par nature, ne se voient pas et demeurent insaisissables aux sens (cf. Héb., 11, 1).

Toutefois, la lumière de foi ne comporte pas seulement un caractère théologique, conceptuel, intellectuel… En ce sens, la vertu de foi ne consiste pas seulement à croire, comme Parole de Dieu, les mystères que les dogmes ou l’enseignement de l’Église formulent catégoriquement pour notre juste compréhension des choses. Mais encore, la lumière de foi nous porte à voir, à toucher, à éprouver la solidité concrète de la vérité que signifient textuellement les différents symboles de la foi de l’Église. D’où le mot « Amen » qui achève le Credo. En hébreu, effectivement, le terme « amen » se rattache à la même racine que le mot « croire » qui, pour sa part, concerne la vérité concrète que manifeste l’évidence d’un propos (cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n. 1062). Comme le disait saint Augustin, il faut croire pour comprendre et, ensuite, comprendre pour croire. La foi n’est donc pas une crédulité naïve de notre esprit.

Il y a donc un acte de foi en quelque sorte objectif, qui nous pousse personnellement à croire les énoncés théologiques de la foi qu’on appelle des symboles, à l’exemple de celui de Nicée-Constantinople ou de celui des Apôtres. Cet acte de foi, enseigne le Cardinal Journet, relève de la lumière prophétique de foi (1).

Et il y a encore un acte de foi en quelque sorte expérimental qui, par le moyen de ces énoncés théologiques – et jamais sans eux –, nous porte personnellement à voir, à toucher, à éprouver intérieurement « la réalité surnaturelle » dont les dogmes sont précisément les symboles. Exactement comme le fit l’apôtre Thomas en éprouvant lui-même, à travers le toucher significatif des plaies du Christ, le fait indubitable de sa Résurrection d’entre les morts qui, comme telle, est le fondement historique et originel de la foi. Cet acte de foi, quant à lui, relève de la lumière sanctifiante de foi.

II. Révélation publique et révélations privées

Dieu se révèle donc à notre intelligence, moyennant cette double lumière surnaturelle de la foi. Soulignons tout de suite deux observations :

– La première observation concerne la Révélation publique que constituent les paroles de l’Ancien Testament et celles du Nouveau. À la mort du dernier apôtre du Christ, la Révélation divine est définitivement close, achevée, accomplie. Tout est dit et consommé en Jésus-Christ. La mission de l’Église, alors, sera précisément d’expliciter, par de nouvelles paroles à croire, ce donné initial de la Révélation, qu’on appelle encore le Dépôt sacré de la foi. Avec l’assistance de l’Esprit Saint, le Magistère authentique de l’Église formulera des dogmes ou des enseignements ayant symboliquement la valeur et la force d’une parole divine. Toutefois, l’exercice de l’autorité et de l’infaillibilité du Magistère doit recourir à des normes canoniques et objectives que le pape lui-même, en théorie, ne peut outrepasser. Par ailleurs, le dogme concerne toujours la définition de la doctrine chrétienne. En ce sens, il n’existe pas de dogme pastoral mais seulement des dogmes doctrinaux.

– La seconde observation concerne les révélations privées que le Seigneur, dans sa mansuétude, adresse à des âmes dites « privilégiées », en vue de leur édification spirituelle et de celle de l’Église catholique tout entière. Ce fut le cas, par exemple, des Dialogues de sainte Catherine de Sienne avec Dieu le Père, ou encore du Petit Journal de sainte sœur Faustine avec le Seigneur Jésus. Cependant, afin de retranscrire fidèlement ce que le Seigneur lui a révélé, le voyant doit lui aussi être assisté par l’Esprit Saint. En ce sens, le message transmis au bénéficiaire peut être aussi considéré comme une parole de Dieu. À condition, bien sûr, que ce message soit conforme à la foi et à la morale de l’Église. D’où la nécessité de confronter ultimement son contenu doctrinal au jugement canonique du Magistère (cf. Constitution dogmatique Lumen gentium n. 12). Par prudence, depuis peu, l’Église ne se prononce plus catégoriquement sur la provenance réellement divine de ces révélations privées. Nous invitons cependant nos lecteurs à prendre connaissance des Messages du Ciel dont l’association Pour l’Unité recommande la lecture. Ils y trouveront de profonds et sages enseignements susceptibles d’édifier leur foi dans le monde d’aujourd’hui.

III. La lumière sanctifiante de foi et la communion des saints 

La foi « qui rejoint » Dieu à travers « les énoncés » que l’Église nous enseigne comme Parole de Dieu – c’est-à-dire à travers l’enseignement du Magistère –, relève, comme nous l’avons dit, de la lumière sanctifiante de foi. À juste titre, en effet, il est impossible d’étreindre Dieu en nous sans être intérieurement purifiés et sanctifiés par la vertu de sa présence divinisatrice.

La lumière sanctifiante de foi constitue ainsi le principe immanent de la communion des saints, son principe transcendant étant l’Esprit Saint lui-même. En effet, la lumière sanctifiante de foi, suscitant une participation active de notre esprit à la propre lumière de l’Esprit Saint, nous place immédiatement en présence de la troisième personne de la Sainte Trinité. Ainsi, comme la présence du soleil s’offre tout entière à travers un seul de ses rayons, la présence de l’Esprit Saint s’offre tout entière à travers la lumière sanctifiante de foi. Dès lors, la présence purificatrice du Saint-Esprit en nos âmes suscite ipso facto un amour de charité envers Dieu. La foi qui croit devient ainsi la foi qui aime et la foi qui espère le Ciel.

Par ailleurs, en étant en communion d’amour avec la personne de l’Esprit Saint, on est également ipso facto présent à la conscience de tous les saints et donc, de leur intercession aimante et bienfaisante. Ce mystère, qu’institue le dynamisme des vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, est alors désigné à travers le terme approprié de communion des saints. Ainsi, la communion des saints est en quelque sorte une participation de la conscience des saints à la propre subjectivité divine de cet Esprit unique qu’est le Dieu Trine. Si nous sommes présents à la conscience des saints, nous sommes présents à celle de Dieu. Et si nous sommes présents à la conscience de Dieu, nous sommes présents à la conscience des saints !

IV. Les différentes significations de la Parole de Dieu

La notion même de Parole de Dieu pourra donc désigner quatre réalités distinctes et différentes mais néanmoins en relations mutuelles et réciproques :

  • Premièrement, la Parole de Dieu désigne Jésus lui-même, Verbe de Dieu. À ce titre, les paroles de Jésus, qu’elles soient celles d’hier, d’aujourd’hui ou de demain, sont les paroles mêmes de Dieu.
  • Deuxièmement, la Parole de Dieu désigne spécifiquement le dépôt sacré et scripturaire de la Révélation divine transmise aux hommes à travers l’Ancien et le Nouveau Testament.
  • Troisièmement, la Parole de Dieu désigne, analogiquement parlant, l’autorité divine que recouvrent « les paroles à croire » que la Tradition enseigne et que le Magistère reconnaît et proclame comme doctrine salvifique, certaine et véridique. 
  • Quatrièmement, la Parole de Dieu désigne en nous-mêmes l’acte de foi qui nous fait reconnaître et éprouver, avec force et conviction, que tel ou tel propos est bel et bien une parole venant de Dieu, réclamant ainsi l’hommage obéissant de notre liberté.

Au terme de ces réflexions sur la foi, nous invitons nos lecteurs à lire le document final du synode sur la synodalité tout en demandant les lumières de l’Esprit Saint pour éprouver, intérieurement, si ce document est réellement Parole de Dieu.

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(1) Cf. Cardinal Charles Journet, Le dogme, chemin de la foi, Coll. « Je sais, Je crois », éd. Fayard.

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