RECHERCHER

Que peut-on construire sur les sables de « l’athéisme fluide » ?

Article publié le 19 janvier 2025 par Pol Denis dans Chronique @

Dans ses vœux du 31 décembre 2024 [1], le président Emmanuel MACRON commence son discours en déclarant ceci : « Ensemble cette année, nous avons prouvé qu’impossible n’était pas français. Nous avons été la première Nation à modifier la constitution pour garantir le droit des femmes à interrompre volontairement leur grossesse ». … Rappelons-nous au passage que le même président six ans plus tôt dans son discours au collège des Bernardins, tout en niant l’existence d’un « agenda caché » en matière de bioéthique, affirmait ceci : « Je crois dans cet engagement politique qui permet de redresser la dignité la plus fondamentale, la dignité des plus fragiles. » [2]

Après avoir franchi avec la constitutionnalisation de l’avortement une nouvelle étape dans la déconstruction de notre société, les dirigeants politiques français devraient méditer sur le devenir de Sparte.

Nous savons en effet que ce peuple guerrier de la Grèce antique a disparu sans rien laisser… Le grand écrivain français Marcel PAGNOL a expliqué en quoi leur pratique eugéniste fut à l’origine de leur disparition dans une nouvelle peu connue intitulée « les Secrets de Dieu ». En voici quelques extraits instructifs qui nous permettent de comprendre, pour transposer la formulation du chef de l’État, en quoi Sparte a également prouvé qu’impossible n’était pas… spartiate [3] : « un soir d’hiver, à la campagne, devant de flamboyantes bûches, je pensais tout à coup à Sparte, à ses lois, à ses mœurs, à son idéal. (…) Lorsqu’un enfant naissait, une commission d’experts venait donc l’examiner, dans la chambre même de l’accouchée. Les filles étaient estimées selon leur taille et leur poids, comme des juments poulinières. Les garçons devaient paraître capables de porter un jour le bouclier, le casque de bronze, et la lourde épée de fer. (…) Quant aux enfants « réformés » par ce « conseil de révision », les vieux sages les emportaient sous le bras, et allaient les jeter dans un gouffre voisin, qui s’appelait le Barathre. Finalement, cette race si belle, et si soigneusement épurée, que nous a-t-elle laissé ? Des noms de rois, auteurs de lois aussi sévères qu’un règlement pénitentiaire, des noms de généraux, dont les armées ne dépassèrent jamais les effectifs d’un régiment, des noms de batailles, dont la plus célèbre est le glorieux désastre des Thermopyles, et les murs effondrés d’une petite ville. Pourquoi leur héritage est-il si misérable ? C’est parce qu’ils ont sacrifié leurs poètes, leurs philosophes, leurs peintres, leurs architectes, leurs sculpteurs; c’est parce qu’ils ont peut-être précipité sur les rocs aigus, au fond du Barathre, un petit bossu qui était Esope, ou le bébé aveugle qui eût chanté à travers les siècles les Dieux et la gloire de leur patrie… Et parmi les trop pâles petites filles qui tournoyèrent un instant, frêles papillons blancs, à travers la nuit verticale du gouffre, il y avait peut-être les mères ou les aïeules de leur Phidias, de leur Sophocle, de leur Aristote ou de leur Platon ; car toute vie est un mystère, et nul ne sait qui porte le message ; ni les passants, ni le messager. »

Nous traversons actuellement une période où sévit en Occident un « athéisme fluide » dont les fruits sont notamment toutes ces transgressions sociétales (contraception, avortement, PMA, GPA, euthanasie, etc.).

Les ennemis de la foi ont en effet engagé un nouveau combat beaucoup plus subtil que celui des athéismes matérialistes. Le cardinal Sarah, préfet émérite de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, a évoqué à plusieurs reprises cet « athéisme fluide » qui s’insinue partout dans nos sociétés. Lors de son récent voyage au Cameroun [4], il s’est adressé le 9 avril à la conférence épiscopale du pays dans un discours centré sur la dictature du relativisme. Ne mâchant pas ses mots, il va jusqu’à déclarer : « Je crois que l’Église de notre temps vit la tentation de l’athéisme. Non pas de l’athéisme intellectuel. Mais cet état d’esprit subtil et dangereux : l’athéisme fluide et pratique. Ce dernier est une maladie dangereuse même si ses premiers symptômes semblent bénins. Nous devons en prendre conscience : cet athéisme fluide coule dans les veines de la culture contemporaine. Il ne dit jamais son nom mais s’infiltre partout même dans les discours ecclésiastiques. Son premier effet est une forme de léthargie de la foi. Il anesthésie notre capacité à réagir, à reconnaître l’erreur, le danger. Il s’est répandu dans l’Église. L’athéisme fluide est insaisissable et gluant. Si vous l’attaquez, il vous engluera dans ses compromissions subtiles. Il est comme une toile d’araignée, plus on se débat contre elle, et plus elle se resserre sur vous. L’athéisme fluide est le piège ultime du Tentateur, de Satan. »

L’ennemi de la vraie foi catholique est donc potentiellement diffus. Il se pare même d’une vertu autoproclamée, en employant un langage dont il manipule le sens des mots. Notre chef d’État a pu nous en donner une illustration dans son discours au collège des Bernardins (cf. supra) qui se voulait une soi-disant approche de réconciliation avec les catholiques dans une forme d’œcuménisme républicain. Mais que penser de la foi dite républicaine de dirigeants qui appuient leurs décisions politiques sur le sable mouvant du relativisme ? Quel bilan d’ailleurs tirer des sept dernières années de démolition des bases les plus fondamentales de notre société ? Et pour quelle raison cette entreprise de démolition s’arrêterait elle si aucun catholique – prélat, prêtre ou simple croyant – ne marque clairement face à elle son opposition déterminée ? Mgr Clemens August Von GALEN (1878-1946) n’avait pas la langue dans sa poche, et le pouvoir allemand le craignait. « Que votre oui soit un oui, que votre non soit un non ! ». L’évêque de Münster – surnommé « le lion de Münster » – ne s’est pas lancé dans des diatribes compliquées pour dénoncer le mal et appeler les consciences à un éveil salutaire. Son jugement est sans appel dans cette homélie restée célèbre où, dès 1941, le prélat dénonce l’euthanasie [5] : « Dans la prière et le pénitence sincère prions pour que la rémission et la pitié de Dieu puissent descendre sur nous, sur notre ville, notre pays et notre cher peuple allemand.  Mais avec ceux qui continuent à provoquer le jugement de Dieu, qui blasphèment notre foi, qui dédaignent les commandements de Dieu, qui font cause commune avec ceux qui aliènent nos jeunes au christianisme, qui volent et bannissent nos religieux, qui provoquent la mort d’hommes et de femmes innocents, nos frères et sœurs, avec tous ceux-là nous éviterons n’importe quel rapport confidentiel, nous nous maintiendrons, nous et nos familles hors de portée de leur influence, de peur que nous soyons infectés de leurs manières athées de penser et d’agir, de peur que nous devenions des complices de leurs fautes et soyons ainsi exposé au jugement que le Dieu juste doit rendre et infliger à tous ceux qui, comme la ville ingrate de Jérusalem, ne veulent pas ce que Dieu veut. 

Pour conclure, en cette année jubilaire, avançons avec courage et foi comme pèlerins d’espérance vers le « Chemin, la Vérité et la Vie », le Christ. Il n’est pas d’autre chemin pour construire un avenir véritablement durable ! Ne nous mettons pas « en marche » sur les sables mouvants du relativisme ! Nous risquerions de perdre notre temps, voire notre âme, en nous compromettant et en cédant aux sirènes des prophètes de l’athéisme fluide !

Bonne et sainte année 2025 !

Pol Denis

[1] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/12/31/voeux-aux-francais

[2] Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, à la Conférence des évêques de France au Collège des Bernardins | Élysée

[3] https://christroi.over-blog.com/2016/03

[4] https://hommenouveau.fr/cardinal-sarah-mensonge-et-atheisme-fluide/

[5] Sermon de l’évêque de Münster, Mgr Clemens August comte von Galen, le dimanche 3 août 1941 dans l’église de St Lambert, à Münster 

Illustration par Jean-Louis SERVAIS de Pixabay