Chers amis,
Avec joie, simplicité et ferveur, nous avons témoigné aux yeux du monde parisien de notre foi catholique et notre identité chrétienne lors de notre dernier « pélé nocturne » de mai pour la Fête-Dieu. Le père Jean-Pascal Duloisy (exorciste pour les diocèses de l’Île-de-France) a conduit pour la seconde fois la procession du Saint Sacrement à travers les rues animées de la rive gauche. Partis du parvis de Notre-Dame, nous sommes arrivés, par des rues détournées, au parvis de l’église Saint-Sulpice, accueillis par les cloches qui ont salué à toute volée – et avec toute la solennité qui convient – Jésus-Christ au Saint-Sacrement. C’était « génial » ! Une fois de plus, nous avons pu constater que de nombreux badauds lui ont fait un accueil très favorable (signe de croix, prière, bout de chemin et chants avec nous, ou encore déférence silencieuse et signe de respect).
Ces temps de terrorisme influencent-ils les esprits pour les rendre plus attentifs et plus dociles au passage de Jésus parmi eux… ? Certainement ! car, la plupart du temps, ce n’est que lorsque les hommes sont broyés par les épreuves qu’alors rendus humbles, ils sont enfin capables de se tourner vers Dieu et découvrent qui il est.
Cette manifestation de rue, au-delà de l’aspect religieux d’adoration du Saint-Sacrement, est aussi un acte volontaire d’affirmation de notre identité chrétienne – et plus spécialement catholique. Mais, en ces temps troublés par le terrorisme religieux et tandis que notre pays baigne dans une culture laïciste, véritable religion d’État, quel est le sens de notre identité chrétienne ? Est-ce simplement le fait de marquer notre opposition verbale à l’islamisation grandissante de notre Occident ? Tandis que la plupart de nos concitoyens ne pratiquent plus, perdent leur culture chrétienne élémentaire et pire, le sens de Dieu jusqu’à ne même plus connaître l’affirmation principale de notre foi (Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, mort et ressuscité pour nous sauver de l’enfer éternel en nous accordant la Vie, qui est de connaître Dieu et de le contempler) que croyons-nous que va donner cette identité chrétienne dénaturée, délavée ? Dieu ne va-t-il pas finir par se voiler la face en nous disant : « Je ne vous connais pas » ?
Permettez-moi cette image : « Une vasque était alimentée par une source d’eau pure qui coulait avec un débit fort et régulier. Tant que la source coulait, la vasque débordait et pouvait renouveler son eau en permanence, ce qui la rendait très agréable à celui qui venait s’y désaltérer et lui permettait de s’hydrater et de conserver sa santé. Un jour cette source se tarit. Déjà, quand elle ne coulait plus que par intermittence, l’eau de la vasque se remplissait, en moins d’une journée, d’insectes et de saleté. Et lorsque l’eau ne fut plus du tout renouvelée, elle finit par croupir et rendre malades tous ceux qui la buvaient, au point même de les faire mourir. La vasque, c’est notre âme. L’eau, c’est la vie divine qui coule en notre âme et que nous ne devons pas cesser d’y faire couler.
Si nous nous coupons de Dieu petit à petit, de façon apparemment inoffensive, sans nous en apercevoir et, en réalité, pour faire comme tout le monde, alors, un jour, notre eau se tarit et nous perdons le sens de Dieu, notre foi, nos repères religieux, et, en fin de compte, notre identité chrétienne, qui n’a plus de « chrétienne » que le nom. Nous sommes vaincus par l’esprit du monde, qui adopte des lois contraires à la loi évangélique. Et le pire, c’est que nous finissons par trouver cela normal !
Or, Jésus est très sévère à cet égard, au point de dire que le chrétien est « le sel de la terre » et qu’il se fera piétiner s’il vient à perdre sa saveur (v. Mt 5, 13). C’est logique car la foi n’est ni de la superstition ni de la magie. Dieu n’est pas « Ma sorcière bien aimée » et ne va pas, en bougeant son nez, remettre en état de marche une société qui se délite délibérément. La mollesse et la tiédeur spirituelles, le reniement progressif de sa loi sous prétexte de tolérance mal comprise, de construction d’un énième homme nouveau (après celui du communisme et celui du nazisme) qu’on nous promet parfait cette fois-ci grâce au transhumanisme, bref, toutes ces chimères diaboliques et que sais-je encore, ne peuvent que conduire au désastre en déconnectant l’homme – et, par conséquent, la société – de Dieu. En fait, nous l’insultons gravement. Or, Dieu mérite, au contraire, que nous nous fassions violence pour répondre de toutes nos forces aux exigences de son amour, qu’il nous donne toujours par pure gratuité.
C’est aussi l’enseignement que l’on peut tirer de l’histoire du peuple d’Israël, qui, à y bien regarder, est en fait l’histoire de chacun d’entre nous et de notre société. En effet, chaque fois qu’il s’est détourné de sa foi dans le Dieu vivant en se tournant vers des idoles (dieux païens, inconduites en tout genre, etc.), Dieu, après l’avoir averti et rappelé à l’ordre de multiples fois par ses prophètes (v. Jérémie et Ezéchiel), l’a laissé aller naturellement selon ses vues (v. psaume 80) puisque l’homme bénéficie de ce don extraordinaire qu’est le libre arbitre. Et le peuple d’Israël a alors goûté le fruit amer de son inconduite – ce que Dieu a permis dans sa providence et sa sagesse divine pour le remettre dans le droit chemin ! Personne ne peut l’accuser d’avoir été injuste envers son peuple. Mais que de souffrances ce peuple aurait pu s’épargner ! Nous ne sommes pas différents de lui. Nous sommes même encore plus responsables dans la mesure où nous, chrétiens, nous possédons la plénitude de la Révélation divine.
Alors, quelle identité chrétienne avons-nous ? Celle d’un sépulcre blanchi ou celle d’un homme ou d’une femme au visage rayonnant, qui irradie la société de la lumière de sa foi vécue en esprit et en vérité ? Le 1er décembre 2016, cela fera 100 ans que le bienheureux Charles de Foucauld a été assassiné par un musulman en Algérie. Il avait été très impressionné par la piété des musulmans et avait même été tenté de se convertir à l’Islam. Il a fallu toute la ferveur de l’Abbé Huvelin, qui l’a confessé dans l’église Saint-Augustin à Paris, pour qu’il revienne pleinement à sa foi catholique. Le paganisme de l’Occident ne peut que conforter nos frères musulmans dans leur propre foi et nous ne saurions les blâmer, au moins sur ce point. Je crois qu’il n’est pas erroné de dire que la montée de l’Islam doit agir en nous comme un aiguillon, et nous réveiller. Quelles valeurs, en effet, peut lui opposer l’Occident qui s’englue dans le relativisme, l’individualisme et l’hédonisme ? Seul le Christianisme est en mesure de lui apporter la lumière du vrai Dieu, Père, Fils et Esprit, l’amour, et toute la transcendance qui malheureusement fait aujourd’hui défaut à nos sociétés occidentales en pleine apostasie.
Que faire, alors ? Il n’est nul besoin d’actions d’éclat pour convertir le monde. La Vierge Marie nous le redit dans ses apparitions, comme à La Salette, en 1846 (cette année est le 170e anniversaire). Il nous est demandé de vivre de Dieu en toute chose (se convertir) quel que soit notre état de vie – c’est-à-dire de faire de notre vie une louange et une prière vivante à Dieu. Tout ce que nous faisons en bien élève le monde et contribue à son salut. Chacun est ainsi capable, par ce moyen très simple, de participer à la conversion de tout le genre humain (gardons à l’esprit que Dieu est bien le Père de tous les hommes). De plus, étant un Père très attentionné et si riche en miséricorde, il peut susciter à partir de ce retour à lui des secours providentiels que nous ne pouvons pas
même soupçonner.
Ainsi, notre identité chrétienne ne sera plus une identité de musée des antiquités mais bien une identité rayonnante et pleine d’Espérance ! Alors notre pays pourra éviter de connaître le sort du peuple d’Israël abandonnant la loi de son Dieu qui, pourtant, a fait pour lui des merveilles…
Vincent Terrenoir