Chers amis,
Le samedi 28 mai, pour la « Fête-Dieu », nous marcherons avec Jésus au Saint-Sacrement dans les rues de Paris. Cette [dé]marche, m’invite à vous proposer une réflexion sur les bienfaits de la piété populaire dans le cadre de cette année du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde. Si je puis dire, « Dieu a de l’Amour à revendre » et il a bien besoin de nous pour le faire savoir à tous nos contemporains. Mais comment s’y prendre ?
Partons tout d’abord d’une constatation : nous assistons depuis une quinzaine d’années à un regain de vitalité de la piété populaire (encore appelée dévotion ou religiosité populaire). Les laïcs sont souvent à la base de ces renouveaux d’élans spirituels et Rome, à savoir, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, a encouragé son développement dans un texte de 2001 : Directoire sur la piété populaire et la liturgie, Principes et orientations (Éd. Téqui).
Comment ne pourrions-nous donc pas nous réjouir de cette progressive renaissance des processions du Saint Sacrement, des pèlerinages dans les sanctuaires dédiés à la Mère de Dieu et aux saints, des pardons, des pèlerinages paroissiaux et autres « Tro Breiz (pèlerinage en l’honneur des 7 saints fondateurs de la Bretagne), des veillées de prière et bien sûr… de nos « pélés nocturnes » (nuits de prière) de l’Unité, qui ont d’ailleurs débuté en 1969. Malheureusement ce fut dans un climat hostile, il faut bien en convenir. À vrai dire, je me suis toujours demandé comment des pasteurs et des laïcs avaient pu avoir l’esprit enfumé par des vapeurs nocives que le Directoire appelle « des idéologies de la sécularisation », qui leur ont fait perdre le sens de Dieu sur ce point et rejeter ainsi un trésor séculaire de notre Église catholique. Mais passons sur ce passé douloureux et allons de l’avant !
La piété populaire manifeste le sens de l’Église, Peuple de Dieu, communauté des baptisés, appelée à participer pleinement à la mission d’évangélisation. L’Église n’est pas « que l’affaire des curés », Dieu merci, mais bien celle de tout baptisé, chacun à sa mesure, selon ses talents et dans le respect de la hiérarchie instituée par le Christ (v. Éphésiens 2, 13-22).
La piété populaire est aussi une forme riche et respectable de l’expression de la foi du peuple chrétien. Parce qu’elle s’insère dans la culture locale, elle est naturellement proche des gens. De fait, je la crois peu sujette aux modes spirituelles d’un temps. Le Directoire dit même qu’« elle exprime une résistance envers une certaine culture technico-logicopragmatique et l’utilitarisme économique (…) ». Et surtout, elle est capable de créer l’unité du Peuple de Dieu en touchant au cœur tous les gens, des plus jeunes aux plus vieux, quel que soit le niveau spirituel de leur foi et leur milieu social.
Comme le Christ s’est mêlé à la foule de son temps et mis au niveau de ses contemporains pour les élever à une juste compréhension de Dieu en purifiant les déviations et les errements à son sujet, ainsi la piété populaire peut toucher tous nos contemporains qui sont, pour certains, au niveau zéro de la connaissance du catéchisme. Aux pasteurs de la purifier des déviations possibles (superstition, fétichisme, idées erronées et même incompatibles avec la foi catholique, etc.), mais grâce à cette piété populaire, personne ne peut se sentir exclu de l’Amour de Dieu et de sa Miséricorde.
La piété populaire reste parfois le seul moyen de retenir des gens dans la religion. En effet, cette piété, si vous me permettez ce mot, « incarne » Dieu par la simplicité et la beauté de son expression religieuse. Elle est donc un moyen pour toucher au cœur ceux qui l’approchent, tandis que bon nombre de nos contemporains n’ont en tête qu’une conception erronée d’un Dieu gardien d’une morale étouffante et rigide qui les éloigne de l’Église. Certes, il est vrai que la foi en Dieu demande de conformer sa vie à l’Évangile qui est exigeant, mais la miséricordieuse patience de Dieu laisse le temps à l’homme de progresser dans la perfection de son amour.
La piété populaire est donc un moyen simple et naturel pour témoigner de cette Miséricorde divine et amener tout un chacun à Lui. Son extériorisation hors des églises et dans les rues constitue un de ses atouts essentiels par lequel, grâce à cette visibilité, elle participe à sa façon à la nouvelle évangélisation. Elle a donc cette vertu de décomplexer le chrétien que certains voudraient enfermer bien sagement dans les églises. Enfin, bien comprise et surtout bien vécue, la pitié populaire respecte la primauté incontestable de la Liturgie (la sainte Messe), « sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps, la source d’où découle toute sa vertu » (Vatican II, Sacrosanctum Concilium 10), et même, nous y prépare.
Ceci étant écrit, il me paraît maintenant impossible que vous ne veniez pas témoigner de la Miséricorde de Dieu dans les rues de Paris, samedi soir 28 mai, en accompagnant Jésus au Saint-Sacrement qui passera au milieu de son peuple. C’est un moment de joie et de pure grâce auquel il vous convie. Croyez-moi !
Vincent Terrenoir