Alors que la fête de la Pâque approchait, quelques Grecs, parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu, abordèrent Philippe qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. » Cf. Jean, 12, 20.
« Nous voudrions voir Jésus » : cette demande de certains Grecs à l’apôtre Philippe va bien au-delà de la simple curiosité. Elle nous rappelle aussi la démarche de Zachée qui, étant de petite taille, monta sur un sycomore afin d’avoir la possibilité, comme les autres, de « voir » Jésus.
Dans les deux cas, le verbe « voir » qui est utilisé signifie plutôt « savoir ». Des Grecs, en effet, voudraient savoir qui est vraiment cet homme nommé Jésus de Nazareth et dont les paroles et les actes suscitent admiration, enthousiasme, dévotion, jalousie… Cette demande des Grecs, qui préfigure déjà l’audience que l’Évangile trouvera chez les païens, devient pour moi l’occasion d’une petite remarque.
L’un des gros problèmes liés à la déchristianisation de notre monde, c’est que la plupart des gens, malheureusement, pensent tout « savoir de Jésus ». Au point que même l’enseignement traditionnel de l’Église devient en quelque sorte facultatif ou secondaire. Ce qui compte, pensent-ils, ce n’est pas ce qu’enseigne le Magistère mais ce que moi, je sais mieux que quiconque.
Jésus est alors souvent perçu comme un Dieu abstrait, une idée intellectuelle. Pourquoi ? Parce que pour certains, la foi se résume essentiellement à un savoir, à un discours, à une doctrine. Et qu’importent les conséquences religieuses ou morales qu’un tel savoir implique. Que de fois n’avons-nous pas entendu : « Je suis croyant mais non pratiquant. » Mais si la foi n’a rien à voir avec la pratique des sacrements, particulièrement l’Eucharistie et la confession, qu’est-ce que croire en Jésus pourrait alors apporter à notre existence ? Dans la Bible, connaître une personne exige d’avoir une relation avec elle.
D’autres, également, ne voient en Jésus que la réalité de son humanité. Au nom de la raison, ils évacuent toute possibilité qu’un mystère divin puisse exister en Jésus. À leurs yeux, le Christ n’est qu’un Ghandi ou un Mandela du 1er siècle. Mais si la foi se résume à se souvenir de ce que nous savons du passé de Jésus, quel « Dieu à venir », le Christ pourrait-il dès lors continuer d’incarner ? Par conséquent, beaucoup préfèrent accorder une confiance naïve au progrès de la science ou de la technologie.
Frères et sœurs de Pour l’Unité, si l’existence historique de Jésus explique les origines du christianisme, la pertinence de ce dernier, en revanche, ne peut se comprendre qu’à la lumière de la venue en gloire de Notre-Seigneur. Et sur ce point, précisément, nous ne savons rien, ni le jour ni l’heure. À ce titre, Jésus demeure l’inconnu dont parlent ses paraboles (cf. Luc, 12, 35-40 ; Matth., 24, 37-44). Aussi, alors que notre Pâque approche, prier pour le retour de Jésus, par des hymnes et de libres louanges, n’est-ce pas, comme ces Grecs de jadis, dire aujourd’hui : « Nous voudrions voir Jésus » ?