J‘ai lu ces derniers jours, dans un journal européen, un rapport officiel de certaines de ses institutions gouvernementales, qui raconte ce qui s’est passé en Syrie pendant cette guerre qui va bientôt se terminer et Dieu merci. J’ai été horrifié par les chiffres mentionnés dans ce rapport, chiffres que j’avais, jusqu’au tout dernièrement, considéré comme exagérés et excessifs, utilisés à des fins de propagande, ou bien qu’ils étaient un fantasme de certains journalistes en recherche de lecteurs, ou bien des montages de quelques réalisateurs de films de cinéma qui amplifiaient les événements des guerres et leurs cours tragiques, pour impressionner les spectateurs.
Le rapport dit qu’il est arrivé en Syrie des centaines de milliers de djihadistes, et que le nombre de ceux qui ont combattu l’armée du pays s’élève à près de 500.000 combattants féroces, dont une grande partie se compose de fondamentalistes et de terroristes étrangers, qui ont été recrutés des quatre coins du globe et envoyés pour venir massacrer le peuple syrien et détruire les institutions et structures du pays. Il faut rappeler aussi que ce nombre considérable représente deux fois le nombre des soldats dont Hitler avait eu besoin durant la seconde guerre mondiale, pour soumettre l’Europe dans son ensemble durant les années 30 du siècle dernier. Sa sixième armée, dit-on, n’avait pas dépassé les 265 mille combattants. Le nombre de transports de troupes, de blindés, de chars d’assaut, de canons et de camionnettes équipées de mitrailleuses lourdes, dont les terroristes étaient en possession, a été évalué à plusieurs milliers de véhicules, sans compter les centaines de milliers d’armes légères. Il est évident que les munitions nécessaires pour autant d’armes lourdes et légères, et d’équipements de toutes sortes, peuvent être estimées à des dizaines de milliers de tonnes, répartis sur d’innombrables postes armés établis sur le vaste territoire syrien.
J’avais, dans le temps, pensé que ces chiffres étaient incroyablement exagérés et très loin de la réalité, mais les événements auxquels nous avons assisté ces dernières années ont montré que ce qui avait été dit, était plutôt exact et objectif, et que l’agression contre la Syrie était l’une des invasions militaires les plus spectaculaires que l’histoire a pu connaître jusqu’à ce jour, elle n’a jamais eu de précédent dans l’histoire, et il n’est pas exagéré de dire qu’il s’agissait d’une troisième guerre mondiale qui s’est déroulée sur notre territoire, semant derrière elle destruction et ruine et d’innombrables victimes
Le prince du Qatar, Hamad Bin Jaber Al-Thani, tout dernièrement, a eu l’honnêteté de confesser que 137 milliards de dollars avaient été payés par les états du golfe pour financer cette guerre épouvantable, et cela sans parler de ce qu’ont pu faire plusieurs autres pays d’Orient et d’Occident pour soutenir les combattants comme l’a déclaré M. Robert Ford, ex-ambassadeur américain à Damas.
Les moyens déployés dans cette guerre étaient tellement importants que les responsables américains n’avaient pas l’ombre d’un doute que le pays était irrémédiablement condamné à la défaite et que, par conséquent, l’élimination de Daech en Syrie était particulièrement difficile, et que cette opération était censée prendre 30 années ou plus de combat, étant donné le nombre considérable et incalculable de terroristes engagés dans les combats, généreusement financés et lourdement armés. En effet, nous avons pu lire dans les rapports du ministère de la défense russe que près de 90.000 sorties aériennes ont été effectuées par leurs bombardiers ces trois dernières années pour frapper les regroupements des terroristes. Tout cela nous porte à considérer l’amère vérité pour reconnaître que ce qui s’est passé était effroyable et que ce qui menaçait notre pays était épouvantable, et que nous ne pouvions échapper à cette inéluctable catastrophe qu’avec l’aide du Très Haut et un miracle du ciel.
Aujourd’hui et maintenant que la tempête s’est apaisée, nous nous rendons compte qu’un prodige s’est réellement produit, et que le pays, sorti du danger qui menaçait son existence se remet de jour en jour et que la paix s’annonce en dépit des contraintes, des difficultés de parcours et des complications procédurales qui ralentissent sa progression. En 2013, un des résistants défenseurs de la ville, soldat de l’armée syrienne m’a rapporté qu’il était perplexe, et qu’il ne comprenait pas le secret de sa survie ni celle de ses compagnons, peu nombreux, dans leurs combats acharnés contre des hordes d’agresseurs munis d’armes de grande qualité et d’un matériel des plus sophistiqués. Il a continué, disant : « Monseigneur, je sentais comme une main invisible qui se tenait à nos côtés dans les batailles pour parer les coups de nos adversaires ! Serait-ce par hasard la main de notre Sainte Mère, la Vierge Marie ? ».
Aujourd’hui, cinq ans après, et avec la fin de cette mutinerie dont a souffert chaque région du vaste territoire Syrien, et après que notre pays ait recouvert un peu de calme et de sécurité, me revient à l’esprit ce que ce brave soldat m’avait dit, pour qu’à mon tour, moi aussi, je puisse constater qu’effectivement une main invisible et puissante s’était tenue aux côtés de la Syrie face à cette terrible agression inouïe et brutale, pour nous protéger et sauver notre pays d’une tragédie sans précédent et d’une catastrophe fatale. C’est à mon sens la main de Dieu tout-puissant qui nous a accordé sa bénédiction et la grâce de pouvoir retrouver la paix, pour nous permettre de continuer à vivre en témoins dans cette contrée baignée par le sang d’un flot incommensurable de martyrs.
Il n’est pas exagéré de dire qu’une conspiration perfide se tramait contre notre pays. Des plans subversifs inédits avaient été établis, et une coalition malveillante et hostile a employé pour anéantir la Syrie des moyens énormes et difficiles à imaginer : des centaines de milliers de djihadistes munis d’une quantité incroyable d’armes destructrices et meurtrières. En même temps, de nombreux gouvernements étrangers n’ont point manqué d’assurer à ces agresseurs, protection soutien et appui. En outre, ils ont été assistés par une cinquième colonne et des centaines de conspirateurs parsemés un peu partout à l’intérieur du pays. La raison humaine aurait eu du mal à imaginer que faire face à une telle invasion pouvait être de l’ordre du raisonnablement possible. En fait, la résistance à une telle agression était chose humainement inimaginable et quasi impossible. Pourtant, et contre toute logique de ce monde, notre pays a pu sortir de cette épreuve mortelle.
À ce point, nous avons le droit de considérer que le Seigneur Miséricordieux et tout-puissant qui nous a protégés et sauvés, a voulu que nous puissions continuer à vivre dans ce pays de prédilection. Tout ce drame que nous avons pu miraculeusement dépasser ne nous incite-t-il pas d’abord à remercier le Seigneur qui dans sa divine providence nous a sauvegardés ? Ne nous invite-t-il pas aujourd’hui à nous mettre à l’écoute de sa voix qui souffle dans nos cœurs un appel à l’action et à un travail appliqué et tenace, en vue de reconstruire ce qui a été démoli ou détruit dans ce cher pays, terre des grâces divines et du courage des croyants ? Il nous faut nous engager sans réserve et nous dévouer à l’œuvre avec force et détermination. Cette Voix Céleste nous pousse en même temps à témoigner de Son Nom, en tenant avec nos concitoyens le langage évangélique de l’amour, de la tolérance et du pardon, langage générateur d’harmonie et de paix, et qui s’exprime par des services ponctuels et sincères rendus généreusement aussi bien à notre communauté éprouvée, qu’aux citoyens que nous côtoyons, et à tous ceux qui espèrent de nous, tendresse et amitié.
Ô Vierge Marie, refuge des chrétiens et Mère de toute tendresse, mettez dans nos cœurs un amour sincère à l’égard de votre Fils Jésus qui recommande à ses fidèles de se dévouer sans réserve, d’offrir sans compter et de donner sans retour.
+ Jean-Clément Jeanbart
Archevêque d’Alep, Syrie
Église grecque-catholique melkite
13 janvier 2019