Il est courant d’entendre parler de l’enfer comme d’une boîte de nuit gigantesque dont Satan serait le gardien. Ceci est bien loin de ce que la Bible enseigne. Je pense à plusieurs mauvaises réactions que nous pourrions avoir lorsque nous sommes confrontés au sujet de l’enfer. D’abord, nous pourrions éprouver de la honte, souhaitant mettre le sujet de côté, car il nous semble trop gênant. Cependant, l’enfer n’est pas le point faible du christianisme (comme si la foi chrétienne était plus facile à accepter sans la doctrine de l’enfer). La Bible en parle clairement. Nous ne pouvons pas rester silencieux sur le sujet.
Ensuite, nous pourrions parler de l’enfer pour manipuler les gens, pour leur faire peur et les amener à agir comme nous le voudrions. Tristement, c’est ainsi que l’enfer a été utilisé à certaines périodes de l’histoire de l’Église (je pense notamment à la vente des indulgences par l’Église catholique au 16ᵉ siècle).
Enfin, nous pourrions parler de l’enfer en donnant la description qu’en fait la Bible, mais sans compassion et sans prêcher la grâce. Cela est tout aussi mauvais que de ne pas parler de l’enfer, car la Bible ne parle jamais de la condamnation sans évoquer le moyen d’y échapper en Christ.
Nous voulons plutôt parler de l’enfer parce que la Bible en parle. Nous voulons montrer comment la Bible présente cela, non comme un point faible dont il faut avoir honte, mais plutôt comme une vérité essentielle qui met en avant la grandeur de Dieu, la gravité du péché, et la merveille de la grâce.
Contrairement à la conception populaire, l’enfer n’est pas un lieu dont Satan est le chef. La Bible met plutôt en avant la défaite de Satan, l’ennemi de Dieu, que Jésus a vaincu sur la croix (Col 2, 15). Satan lui-même sera « jeté dans l’étang de feu » (c’est-à-dire l’enfer), et sera « tourmenté jour et nuit, aux siècles des siècles » (Ap 20, 10).
Selon la Bible, l’enfer est un lieu de châtiment éternel et conscient, où Dieu manifestera sa colère contre le mal. Il s’agit d’une « fournaise de feu, où il y aura des pleurs et des grincements de dents » (Mt 13, 50). Il est question des « ténèbres du dehors » (Mt 22, 13), du « feu éternel, préparé pour le diable et ses anges » (Mt 25, 41), d’un « juste châtiment [qui est] une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de sa force » (2 Th 1, 9), d’un « feu qui ne s’éteint pas » (Mc 9, 43), d’un ver qui rongera le corps sans fin (És 66, 24). Dans Apocalypse 14, 10-11, l’enfer est décrit comme le fait de boire « du vin de la fureur de Dieu (…) », de « la coupe de sa colère » et d’être « tourmenté dans le feu et le soufre, devant les saints anges et devant l’Agneau ». Pour ceux qui s’y trouvent, il est dit que « la fumée de leur tourment monte aux siècles des siècles, et ils n’ont de repos ni jour ni nuit (…) ».
Le feu, les ténèbres, les vers, sont-ils des symboles, des images ? Peut-être, mais cela n’enlève rien à l’horreur de l’enfer, bien au contraire. La réalité est toujours plus grande que le symbole, ou que l’image qu’on utilise pour la décrire. L’enseignement du Nouveau Testament au sujet de l’enfer a pour but de nous effrayer et de nous frapper d’horreur, nous assurant que, tout comme le ciel sera meilleur que ce que nous pourrions rêver, l’enfer sera pire que tout ce que nous pourrions concevoir.
Les moments difficiles que nous vivons sur cette terre ont une fin. En revanche, l’enfer n’a pas de fin. Il s’agit d’un châtiment éternel. Jésus parle de certains qui iront « au châtiment éternel », alors que « les justes [iront] à la vie éternelle » (Mt 25.46). Jésus met les deux destinées après cette vie au même niveau: les deux sont éternelles, sans fin. Nous voyons cela dans de nombreux autres passages de la Bible (És 33.14; 66.24) quand il est question d’un « feu qui ne s’éteint pas » (Mc 9.43), ou d’un tourment « aux siècles des siècles » (Ap 14.11).
Lorsque nous sommes confrontés à l’horreur de l’enfer, nous avons tendance à penser que cela contredit l’amour de Dieu dont la Bible parle. Alors, si Dieu est amour, pourquoi l’enfer ? Une telle question mériterait un développement bien plus long, mais voici deux réflexions :
En raison de la justice de Dieu. Lorsque Dieu juge, il ne fait pas preuve d’un manque d’amour, mais de justice. Nous voulons tous que l’enfer existe pour les grands criminels de ce monde, ou pour tous ceux qui ont échappé à la justice humaine. Heureusement qu’il y a un Dieu qui juge ! Ce qui nous gêne en revanche, c’est de dire que des gens comme nous méritent l’enfer… Notre problème n’est pas l’existence de l’enfer, mais le fait que nous méritions d’y aller.
En raison de la gravité du péché. Tant que notre péché ne sera pour nous qu’un petit écart de conduite, une imperfection, l’enfer restera un scandale. Mais lorsque nous verrons notre péché tel qu’il est : une offense envers le Dieu Tout-puissant, Juste, Saint, Créateur et Roi de l’univers, alors nous comprendrons que l’enfer n’est pas cruel, mais mérité. Pour comprendre l’enfer, il faut comprendre la gravité de notre péché. Si l’enfer existe, c’est parce que le péché existe.
Ce que la Bible enseigne, c’est que le paradis est pour ceux qui se repentent de leur péché, alors que l’enfer est pour ceux qui refusent de le faire. Lorsque Jésus meurt sur la croix, il prend sur lui le jugement que nous méritons : la colère que Dieu manifestera dans le châtiment éternel. Jésus subit cette colère sur la croix à la place de ceux qui se confient en lui. Mort et ressuscité, il offre réellement le pardon des péchés et la vie éternelle.
Ainsi, comme Jésus le dit lui-même : celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu reste au contraire sur lui (Jean 3, 36). Croire au Fils, en Jésus, c’est échapper à la colère de Dieu, parce que Jésus a subi cette colère à notre place ! Le châtiment éternel concerne donc tous ceux qui refusent ce message, car ils restent attachés à leur propre condamnation. Il concerne tous ceux qui refusent le médicament que Dieu donne, la bouée de sauvetage que Dieu offre.
Père Jean Faustin Azwakate
Diocèse de Budjala, République Démocratique du Congo
en mission d’études
Paroisse de Saint-Ouen-l’Aumône (95)
Pèlerinage à ND de Montligeon (17 novembre 2024)
Voir aussi sur l’enfer : Catéchisme de l’Église catholique, nn. 1033-1037.
Image : www.pinterest.fr Calendrier des bergers, En Enfer, supplice des luxurieux, [Paris: Guy Marchant, 1493] | Angers, BM, SA 3390, f. 36v