Pour beaucoup de nos contemporains, notre sœur la mort (selon les mots de saint François d’Assise) est devenue une étrangère incongrue dont il ne faudrait parler qu’à l’hôpital ou en maison de retraite, loin des oreilles ou du regard des vivants… Le mois de novembre, toutefois, avec la fête de la Toussaint (le 1er), la commémoration de tous les fidèles défunts (le 2) et des victimes de la Grande guerre (le 11) remet subrepticement la mort sur le devant de la scène publique. Des intentions de messe pour un proche disparu sont demandées, des fleurs ou des bougies sont déposées sur des tombes… Même des personnes habituellement éloignées de l’Église, ce mois-ci, satisfont volontiers à cette pratique religieuse d’honorer la mémoire des défunts. Nous pouvons donc nous interroger – ou simplement nous rappeler – ce que dit la foi de l’Église au sujet de la mort et de notre devenir.
Ce qui caractérise d’abord notre attitude vis-à-vis de la mort, c’est l’espérance, proprement chrétienne, d’une vie bienheureuse avec Dieu. Cette espérance est fondée sur la résurrection même de Jésus. « Tous ceux qui se sont endormis, écrit saint Paul aux Thessaloniciens (1 Thess., 4, 14-18), Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. Retenez ce que je viens de dire et réconfortez-vous les uns les autres. »
Les chrétiens sont donc invités, dans la foi au Christ ressuscité, à considérer la mort comme un passage vers la Vie. Ils savent, par ailleurs, que cette Pâques (c’est le sens du mot passage) a déjà commencé au jour de leur baptême où, symboliquement plongés dans la mort du Christ, ils sont renés à la vie nouvelle des enfants de Dieu. Forts de cette espérance, les chrétiens sont ainsi conduits par l’Esprit à dépasser la réaction naturelle du refus de la mort pour, comme Jésus, vivre celle-ci dans l’abandon filial. «En effet, précise l’Apôtre dans sa Lettre aux Romains (6, 5), si nous avons été unis à Jésus par une mort semblable à la sienne, nous serons également unis à lui par une résurrection semblable à la sienne. »
Dès le moment de notre mort, après avoir rendu notre dernier soupir, à l’instar d’une évidence sensible, Dieu nous confronte à la réalité de sa présence aimante : c’est ce que le Catéchisme de l’Église catholique appelle le jugement particulier (nos 1021-1022). Dès lors, trois possibilités :
☐ Soit nous sommes tout de suite appelés à la béatitude éternelle, communément appelée le Ciel. Dieu nous accueille en son sein, en compagnie de la foule innombrable des anges et des autres bienheureux. Nous voyons l’essence de Dieu et, à travers elle, tous les secrets cachés de l’univers. Cette vision nous comble de joie et, dans ce ravissement inimaginable pour notre entendement, nous ne pensons qu’à louer Dieu-Trinité pour toutes ces merveilles.
☐ Soit nous sommes auparavant appelés à quelques purifications car notre désir de Dieu n’est pas encore assez fort pour être comblé. C’est ce que l’Église appelle le purgatoire (CEC n° 958). Ce mot ne désigne pas un lieu mais un état d’âme. En purgatoire, en effet, notre âme prend peu à peu conscience que ses péchés ont offensé et blessé Dieu dans son amour. L’évidence de notre misère produit alors en nous une ardente contrition dont l’intensité nous fait désirer Dieu plus que toute autre chose. À ce moment-là, seulement, Dieu nous fait entrer en paradis. Si le purgatoire, sous certains aspects, est comparable à une épreuve, il est surtout source d’espérance.
☐ Soit l’enfer si, de manière libre, consciente et volontaire, nous sommes morts dans la haine de Dieu. L’Enfer, en effet, n’est rien d’autre que la conséquence permanente, irrévocable, de nos propres choix ; nullement de ceux du Seigneur. Si l’Enfer demeure une possibilité bien réelle, compte-tenu de la toute-puissance de notre libre-arbitre, l’Église, néanmoins, s’est toujours refusée à déclarer telle ou telle personne en enfer. Même les plus grands criminels.
Les êtres qu’on a coutume d’appeler « les âmes du purgatoire » sont donc des défunts en manque de Dieu mais résolument engagés, toutefois, dans un processus salvifique qui les conduira tôt ou tard à la béatitude du Ciel. Objectivement, le temps n’existe plus pour ces âmes. Seule demeure pour elles la notion, plus subjective, de durée.
C’est pourquoi, dans le mystère de la communion des saints, les vivants peuvent en quelque sorte hâter leur délivrance. Tel est le sens profond de la prière pour les morts dont l’expression la plus aboutie est d’offrir pour ces âmes le sacrifice de la messe. Offrir une intention de messe pour nos défunts est donc un acte de générosité, de miséricorde et d’affection. Et une fois au Ciel, nos défunts ne seront pas ingrats. Eux-mêmes intercéderont alors en notre faveur.
En France, dans l’Orne, existe un lieu international spécifiquement dédié à la prière pour toutes ces âmes du Purgatoire. Il s’agit du sanctuaire de Notre Dame de Montligeon.(1) Chaque année, des milliers de pèlerins viennent y chercher du réconfort et confier leurs défunts à Notre-Dame Libératrice. Et, ici ou là, dans différentes paroisses, existent des fraternités de prière au sein desquelles les membres prient pour nos chers disparus. C’est par exemple le cas dans notre communauté de paroisses, à l’église de Chaillé-sous-les-Ormeaux, tous les premiers mercredis du mois. Des chrétiens se réunissent après la messe de 09 h 00 afin d’intercéder pour hâter le bonheur de nos proches défunts.
Durant tout ce mois de novembre, la prière pour les défunts est donc plus que jamais d’actualité. Ne nous en dispensons pas et n’oublions pas que, même si certains de nos chers disparus peuvent être déjà auprès de Dieu, notre prière ne sera pas perdue pour autant : elle entrera dans le circuit de l’amour miséricordieux qu’est le mystère de la communion des saints.
(1) Sanctuaire ND de Montligeon, le sanctuaire qui fait du bien aux âmes.
« À Montligeon, nous prions et encourageons la prière pour les défunts »
https://montligeon.org/