L’utopie sociétale qui anime nombres d’élus politiques et d’acteurs divers et influents les pousse à vouloir créer des « hommes nouveaux » dans une société en perpétuel renouvellement (c’est l’essence même de l’esprit révolutionnaire, du « ni dieu, ni maître ») avec pour seul fondement la recherche sur terre d’un épanouissement personnel supposé sans limite, seul source de bien-être, qui évolue au gré des circonstances collectives ou individuelles. Ceci se fait parfois sous le couvert de totalitarisme déclaré comme au 20e siècle, ou larvé et présenté à coup de matraquage médiatique comme aujourd’hui.
L’utopie, c’est-à-dire une chimère au sens moderne du terme, est donc le leitmotiv pour aboutir au but de cette Jérusalem terrestre, funeste parodie de la Jérusalem céleste (cf. Apocalypse, 21). Bien évidemment, les utopistes nient toute création par un dieu supérieur à l’homme, ce dernier lui étant dépendant. Ils pensent que cette croyance en ce Dieu judéo-chrétien et à son paradis est la résultante des malheurs des peuples : croire que le bonheur ne peut-être que céleste amène les hommes à fuir leurs responsabilités et la recherche du « progrès » (maître mot des utopistes), pour améliorer le monde.
Quelle grossière erreur ! Ils devraient (re) lire la Genèse (2, 26-28) où Dieu ne crée pas des marionnettes soumises qui ne peuvent agir que par le mouvement des mains d’un manipulateur capricieux, mais bien des êtres à l’image et à la ressemblance de Dieu, homme et femme, n’en déplaise aux tenants du « genre »[1], donc doués de toute l’intelligence nécessaire et de la libre volonté pour participer en bons gérants au développement harmonieux, et pour tous, de cette splendide création, maison commune du genre humain. Le pape François le rappelle très justement dans son encyclique « Laudato si’» (Loué sois-tu). La méditation de ce merveilleux psaume leur serait aussi d’un grand secours : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur. Tu as mis toute chose à ses pieds » (Ps 8, 5-7).
Les utopistes devraient savoir que le chrétien est un réaliste, avec les pieds sur terre et la tête au ciel mais pas dans les nuages, qui peut ainsi travailler au sein de la société en profondeur pour aboutir à un changement serein et durable de ce qui ne va pas pour le transformer en bien. Il participe ainsi à sa mesure à l’avènement du royaume céleste sans fuir ses responsabilités humaines. Il se méfie donc des « hommes nouveaux » décrétés par des ministères de la propagande qui ne disent pas leur nom (de nombreux médias notamment), et préfère « l’homme nouveau » évoqué par saint Paul qui cherche la vérité, idée insupportable aux utopistes : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.» (Éph, 4, 24).
Pour montrer aux utopistes que ce que nous disons est véridique, nous rappellerons, en ce 50e anniversaire de la clôture du concile Vatican II, la parole de l’Église au monde sur son rôle au sein de la cité terrestre. Que celui qui a une intelligence spirituelle comprenne !
• Marhien
Octobre 2015
Gaudium et spes
Constitution pastorale sur l’Église dans le monde ce temps
Concile Vatican II, 7 décembre 1965
« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. » (GS, n°1)
Aide que l’Église, par les chrétiens, cherche à apporter à l’activité humaine (GS n°43)
1. « Le Concile exhorte les chrétiens, citoyens de l’une et de l’autre cité, à remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se laissant conduire par l’esprit de l’Évangile. Ils s’éloignent de la vérité ceux qui, sachant que nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais que nous marchons vers la cité future croient pouvoir, pour cela, négliger leurs tâches humaines, sans s’apercevoir que la foi même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en fait un devoir plus pressant.» […]
« En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus, envers Dieu lui-même, et il met en danger son salut éternel. À l’exemple du Christ qui mena la vie d’un artisan, que les chrétiens se réjouissent plutôt de pouvoir mener toutes leurs activités terrestres en unissant dans une synthèse vitale tous les efforts humains, familiaux, professionnels, scientifiques, techniques, avec les valeurs religieuses, sous la souveraine ordonnance desquelles tout se trouve coordonné à la gloire de Dieu. »
2. « Aux laïcs reviennent en propre, quoique non exclusivement, les professions et les activités séculières. Lorsqu’ils agissent, soit individuellement, soit collectivement, comme citoyens du monde, ils auront donc à cœur, non seulement de respecter les lois propres à chaque discipline, mais d’y acquérir une véritable compétence. Ils aimeront collaborer avec ceux qui poursuivent les mêmes objectifs qu’eux. Conscients des exigences de leur foi et nourris de sa force, qu’ils n’hésitent pas, au moment opportun, à prendre de nouvelles initiatives et à en assurer la réalisation. C’est à leur conscience, préalablement formée, qu’il revient d’inscrire la loi divine dans la cité terrestre. Qu’ils attendent des prêtres lumières et forces spirituelles. Qu’ils ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission. Mais plutôt, éclairés par la sagesse chrétienne, prêtant fidèlement attention à l’enseignement du Magistère, qu’ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités.»
[1] À n’en pas douter, un « Fukushima cérébral » s’est produit à l’université américaine, City University of New York, qui a décidé de bannir les mots « Monsieur » et « Madame » lorsqu’on s’adresse à une personne, car saluer un homme par « Monsieur » tandis qu’il se sent femme serait l’offenser et inversement. Respecter les personnes qui souffrent, notamment de ce genre de mal être, est une chose indéniable. En revanche, se soumettre à cette dictature de la pensée et du comportement est inadmissible. À ce rythme, il faudra demander aux personnes qui sont belles de se voiler la face (pire, de s’habiller en burka pour cacher leur belle silhouette et leurs formes parfaites) car leur simple présence offenserait celles qui sont moins belles. Il pourrait en aller de même pour les athlètes forts et grands vis-à-vis des « petits gros ».