Deux affiches sont actuellement exposées en France : une annonçant le concert de Lady Gaga et une autre annonçant le « Hellfest » (« festival de l’Enfer », juin 2012) festival mondial en France de groupes de musique de « heavy metal » (un dérivé du hard rock). Quelle corrélation entre ces deux affiches ? Une même banalisation de l’utilisation de symboles morbides et violents, voire sataniques. Il reste à savoir ce qu’elle exprime et quelle réalité lui accorder ?
Sur la première affiche, la tête de Lady Gaga se situe dans le haut en noir et blanc sur fond de clair de lune verdâtre. On dirait l’apparition d’un mort car son visage en gros plan, avec des traits saillants, surgit des nuages tel un revenant. Un fort maquillage noir autour des yeux accentue cette impression étrange qui ne la rend pas très sympathique (le quidam peut penser à juste titre que cela est voulu). Au-dessous du visage et des nuages, un château fort avec six personnes à l’intérieur : Lady Gaga et cinq hommes. Deux des hommes ont pour l’un une tête mort peinte sur le visage, pour l’autre son visage a été remplacé par une tête de mort.
L’affiche du « Hellfest », également en noir et blanc, montre au premier plan un guitariste habillé dans un uniforme ressemblant fortement à un soldat allemand de la Seconde Guerre mondiale avec ce casque caractéristique qui supporte une sorte de contrefaçon de la croix de fer. Une lumière verdâtre provient du mot « Hellfest », écrit en vert, qui inonde son visage violent et en accentue encore la terreur. Une tête de mort est symbolisée sur l’uniforme. Il semble donner l’assaut. Un des groupes en tête d’affiche se nomme « Lamb of God » (« Agneau de Dieu »). D’autres groupes, non inscrits sur l’affiche, participent à ce festival : « Sublime cadaveric decomposition » (« Sublime décomposition cadavérique »), « Cannibal corpse » (« Canibal de cadavres »), « Jesus Cröst ».
Pour peu qu’on navigue sur le site de ce festival et qu’on prenne le temps de regarder les photos des groupes et des spectateurs, on peut voir effectivement de nombreux signes et symboles sataniques caractéristiques : index et petit doigt levé (symbole des cornes du diable et de reconnaissance normalement des satanistes), pentagramme renversé, tête de mort, tatouage de tête de bouc, croix chrétienne renversée, le chiffre 666 (chiffre de la Bête dans le livre de l’Apocalypse).
À cela, il faut ajouter des expressions et symboles de mal-être comme les visages aux maquillages hideux, des imitations de sang rouge sur le corps et les vêtements, des piercings partout, des colliers et des bracelets avec des pointes. Les paroles des chansons sont la plupart du temps hurlées avec des mouvements frénétiques, des musiques hyper violentes aux rythmes infernaux. Les clips montrent des jeunes se laissant aller à la violence, à la drogue, à l’alcool, à toute la luxure possible. En fait sauf interprétation erronée de ma part, cela exprime des jeunes gens en révolte et vraiment mal dans leur peau. Il n’y a qu’à lire les paroles des chansons. On ne peut pas dire que tout cela respire le bonheur, la joie de vivre et la paix de Dieu.
Que penser de cette banalisation de l’usage de symboles somme toute violents, haineux, voire destructeurs et significateurs de mort ? Je crois que toute civilisation, société, nation, communauté, groupe ou individu a le besoin d’exprimer ses idées, ses croyances par des symboles. Ceux-ci permettent, entre autres, de s’identifier, de se rassembler, voire de se distinguer. Ils en expriment aussi l’état d’esprit, je dirai même l’état d’âme et sont assez facilement identifiables par les non initiés et par ceux qui n’en font pas partie. Ils parlent d’eux-mêmes et traduisent logiquement ce que les adeptes sont, pensent et expriment. On peut certes supposer que comme l’habit ne fait pas le moine, le symbole ne fait pas l’adepte, mais avouons tout de même qu’il y contribue très fortement.
Les grands conquérants de l’Histoire et les régimes politiques n’ont-ils d’ailleurs pas voulu exprimer leur puissance, leur volonté de domination du monde ou encore leur idéologie en un ou plusieurs symboles facilement identifiables : aigle impérial romain ou napoléonien ; faucille et marteau communistes, croix gammée nazie, faisceau italien, bonnet phrygien ? Des symboles d’infamie ont été aussi utilisés et sont devenus compréhensibles par tous, comme l’étoile jaune de David pour identifier les juifs, le triangle rose pour les homosexuels masculins, la fleur de lys tatouée pour les prostituées. Les symboles expriment à mon avis un message clair. Si ce n’était pas le cas, pour quelle raison en France, le port ou l’exhibition de symboles nazies, de même que le port de symboles représentant ou banalisant l’usage de drogues serait-il interdit ?
Sauf à être idiot ou bêtement provocateur, ce qui est toujours possible, je doute que le porteur d’un symbole qui soit contraire à sa pensée s’amuse à l’exhiber sauf pour s’en moquer ou simplement pour en faire un objet d’ornement (tel fut un temps exhibés des chapelets ou de grandes croix autour du cou de mannequins de grands couturiers). Malgré tout, j’ai du mal à croire que ceux qui véhiculent des symboles violents, morbides ou sataniques n’adhèrent pas à leur message. J’ai aussi quelques difficultés à comprendre que l’on ne s’inquiète pas outre mesure du côté néfaste de l’utilisation et de la banalisation de ces symboles.
Peut-on dire que les symboles du christianisme, porteurs d’un message d’espérance, et perçus comme tels même si ceux qui les reçoivent peuvent ne pas du tout y adhérer, sont violents ou morbides ? Ceux qui les portent et les exhibent veulent annoncer la doctrine du Christ et tentent de se comporter en fidèles disciples. Dis-moi donc quels sont tes symboles et je te dirais qui tu es.
En conclusion, voici les descriptions concernant deux groupes de « heavy metal » sur le site du « Hellfest » 2012.
– « Jesus Cröst » : « JESUS CRÖST ? Ces deux hooligans assoiffés de grindcore venus de Rotterdam forment un des groupes les plus extrêmes et originaux à l’affiche de l’édition 2012 de votre festival préféré. Dotée d’un son cradingue et colérique, la paire déjantée alterne les chants (?) en allemand sur un mode rauque ou aigu. Un show de JESUS CRÖST est une performance incomparable d’intensité et de folie, un magma de grind, de crust et de brutalité non feinte, pleine de détermination. La violence exacerbée à son sommet : JESUS CRÖST pour vous servir. Bordel !
– « The Devil’s Blood » (« sang du diable ») : « La myriade d’influences artistiques et spirituelles qui composent l’esthétisme dégagé par THE DEVIL’S BLOOD plonge son auditoire dans un labyrinthe de stupéfaction béate et de ténèbres. L’œuvre à forte teneur occulte de la formation de Rotterdam tire notablement sa puissance et son inspiration du hard rock des années 70 et du psychédélisme des années 60. Passée à la moulinette batave mêlant feu, sang, encens et ingrédients rituels, la musique THE DEVIL’S BLOOD prend irrémédiablement le contrôle de votre subconscient. Une expérience qui ne laisse pas indemne… ».
Je ne doutais pas un instant, assurément, que cette expérience ne laisse pas indemne, et cela a le mérite d’être clair. Effectivement, l’usage de symboles haineux, violents, morbides et sataniques finit par pénétrer dans le cœur et l’esprit tel un poison à dose infinitésimale dans un but nihiliste et de déstructuration de tout l’être. À nous d’aider à en prendre conscience ceux qui inconsciemment ou non utilisent ces symboles. Prions aussi beaucoup pour eux.
Vincent Terrenoir