Bien que les dimanches de Carême ne soient pas des jours de jeûne, ils demeurent néanmoins marqués par une certaine austérité : suppression du Gloria et de l’Alleluia, ornements violets, disparition des fleurs et des instruments de musique (du moins en théorie). Cette austérité est toutefois tempérée durant le 4e dimanche de Carême. Ce jour-là, en effet, le prêtre revêt des ornements roses (couleur de l’aurore). Il marque ainsi, au milieu de ces temps de pénitence, une pause où l’Église cherche à signifier la joie de Pâques à laquelle elle se prépare. C’est pourquoi ce 4e dimanche de Carême est traditionnellement appelé « Dimanche de Lætare ». Le mot latin lætare traduit l’impératif présent singulier de lætari qui veut dire « se réjouir », mot qui ouvre l’introït de la messe de ce 4e dimanche de Carême (antienne d’ouverture) et qui est inspiré d’une citation du prophète Isaïe (66, 10.11) : « Lætare Jerusalem : et conventum facite omnes qui diligitis eam: gaudete cum lætitia, qui in tristitia fuistis : ut exsultetis, et satiemini ab uberibus consolationis vestræ. » Traduction : « Réjouis-toi, Jérusalem ! et rassemblez-vous, vous tous qui l’aimez : soyez dans le bonheur réjouissez-vous avec allégresse, vous qui avez été dans la tristesse : vous pouvez bondir de joie et vous rassasier du lait de consolation qui est pour vous. » Durant ce 4e dimanche de Carême – Dimanche de Lætare – chacun est ainsi appelé à se réjouir, à éprouver personnellement de la joie. C’est donc sur ce thème que je vous propose une méditation de l’Évangile de ce dimanche.
Le 4e dimanche de Carême de l’année C, la liturgie de la Parole nous offre de réentendre la célèbre parabole du Fils perdu et retrouvé, telle que saint Luc nous la rapporte dans son Évangile (Luc, 15, 11-32). Toutefois, une interrogation subsiste… En effet, si nous pouvons nous réjouir du retour en grâce du fils cadet auprès de son père, ce dernier, toutefois, ne serait-il pas injuste vis-à-vis de son fils aîné ? Ainsi, par exemple, ne trouvons-nous pas justifiés les reproches qu’il adresse à son père : « Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis » ? Avouons-le : nous sommes plus prompts à nous identifier à ce fils aîné plutôt qu’à son jeune écervelé de frère dont les frasques, aujourd’hui, ne scandalisent plus guère…
Certains objecteront sans doute qu’après tout, l’intention de la parabole est juste d’illustrer la miséricorde infinie de notre Père céleste. Et c’est pour nous une certitude de foi : la porte du Ciel est toujours ouverte aux pécheurs qui se repentent ! Toutefois, la question demeure et nous ne pouvons simplement l’évacuer en réduisant la parabole de Jésus à une simple histoire de miséricorde. Ce serait oublier, en effet, qu’à travers elle, le Christ s’adresse d’abord à des scribes et des pharisiens, c’est-à-dire à des gens tatillons sur la Loi et pour lesquels Dieu est essentiellement JUSTICE. Justice implacable. Dès lors, la supposée ingratitude du père envers son fils aîné, qui contraste avec l’ingratitude bien réelle du fils cadet sur laquelle le père ferme les yeux, ne pouvait que choquer davantage ces scribes et pharisiens ou bien les éveiller subrepticement à une autre réalité du divin : Dieu est avant tout AMOUR !
Dieu est avant tout AMOUR… Dieu est essentiellement AMOUR… C’est-à-dire qu’il veut invariablement notre bonheur en nous communiquant tous ses biens : « Tout ce qui est à moi est à toi » répond très justement le père au frère aîné. Dès lors, se réjouir avec lui que des pécheurs puissent être pardonnés, quelles que fussent leurs fautes, c’est accepter d’entrer, à notre tour, dans le mystère de la communion des saints. En conclusion pour ce temps de Carême : Sommes-nous capables de nous réjouir du bonheur que d’autres peuvent éprouver ? Que chacun puisse sincèrement se poser la question.