Un phénomène de société :

l’attrait pour le surnaturel et le paranormal

En ce mois de novembre, l’Église nous propose d’ouvrir notre esprit à la dimension très concrète de l’éternité et des réalités spirituelles, grâce notamment à cette grande fête de la Toussaint et à la célébration du jour des défunts. Je profite donc de cette occasion pour vous entretenir d’un phénomène de société qui prend de l’ampleur et qui, je vous le dis sans ambages, n’est pas pour me déplaire : l’attrait massif de nos contemporains pour le surnaturel et le paranormal. Et parce que certains aspects de ce phénomène de société ne sont pas forcément des plus catholiques, nous devons prendre encore plus au sérieux ce délicat et passionnant sujet, autrement nous risquons de nous faire déborder.

En attestent, par exemple, les séries télévisées qui pullulent[1], dans lesquelles les producteurs osent traiter du surnaturel et du paranormal sans complexe. Il faut dire que les techniques actuelles permettent d’obtenir des effets spéciaux époustouflants et des plus réalistes. Outre l’aspect mercantile et les parts d’audience que dégagent ces productions, ne soyons tout de même pas naïfs, ne pouvons-nous pas pousser notre réflexion au point de dire que si ces séries font un tabac, n’est-ce pas parce qu’elles répondent en fait à une réelle soif et une profonde interrogation de nos contemporains sur ces questions ?

Je pense, effectivement, que comme la très grande majorité de nos contemporains a été, pour ainsi dire, amputée de cette dimension surnaturelle dès son plus jeune âge parce que nous vivons dans un contexte d’athéisme, de matérialisme et de rationalisme, alors ils recherchent cette part d’eux-mêmes dont ils n’ont pas conscience mais qu’ils perçoivent parfois intuitivement. Je soutiens, du point de vue chrétien, que nul ne saurait ôter cette dimension touchant au surnaturel, à l’au-delà et à l’éternité, que l’homme possède intrinsèquement en lui. Tenter de l’enfouir ne l’empêchera pas de ressurgir car Dieu, à tout instant, nous invite à nous recentrer sur l’essentiel : lui, le Maître de la vie, lui, l’Éternel, lui sans qui rien n’existe. L’homme sera taraudé jusqu’à sa mort pour tenter de trouver une réponse à ces questions primordiales : qu’est-ce que l’éternité ? N’y a-t-il pas au-dessus de moi un être, une force, un dieu ou Dieu qui me donne la vie, m’aime et me protège ? Existe-t-il des entités spirituelles ? Que sont devenus ceux que j’ai aimés sur cette terre ?

Ces interrogations essentielles trouvent un début de réponse dans ces séries télévisées dont certaines sont très profondes et ont déjà le mérite de nous ouvrir à la dimension spirituelle et à l’éternité. Ces interrogations sont aussi une chance pour nous, les chrétiens, car nous avons la prétention de pouvoir apporter les réponses justes. Pourtant, je ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine tristesse devant le silence trop général des milieux catholiques, comme si ce sujet nous était étranger et nous faisait peur. Certes, les ouailles de Pierre témoignent de leur espérance en la résurrection (même si un nombre trop important de catholiques croient à la réincarnation, ce qui est de tout de même incroyable !), mais il me semble que dès qu’on aborde concrètement les manifestations qui accréditent ces questions d’éternité, de communion des saints et de phénomènes mystiques, pour utiliser un vocabulaire chrétien, on s’expose rapidement à des quolibets, des ricanements ou à des haussements d’épaules !

Pourtant, chrétien, si tu crois à l’enseignement de l’Église et que tu lises la Bible, la vie et l’enseignement des saints, tu as des réponses concrètes. « Je crois […] en l’univers visible et invisible » proclames-tu dans le Credo. Il ne s’agit pas des galaxies que ton œil ne peut percevoir, mais des réalités spirituelles comme les anges et les anges gardiens que Dieu a sagement placés près de toi pour te venir en aide tout au long de ta vie. Y crois-tu ? Concrètement, invoques-tu ton ange gardien de t’inspirer les bonnes décisions, de t’aider dans tes relations avec les autres, de t’aider à obtenir même des choses matérielles, dans la mesure où elles peuvent être objectivement bonnes pour toi : un travail, une orientation de vie, voire une place de parking ? Non, ne ris pas ! Le Seigneur ne dit-il pas que les cheveux de ta tête sont tous comptés (Luc 12, 7) ? Penses-tu à lui demander d’arranger une situation délicate sur un plan professionnel, familial, amical ou que sais-je encore ? Et ton saint patron ou tes défunts : parents, amis, grands-parents, femme, mari, fils, fille, crois-tu qu’ils peuvent t’aider concrètement depuis l’au-delà si cette demande entre dans le plan de Dieu pour ton bien ? Crois-tu avec force que l’amour n’est pas brisé par la mort ? Si oui, sache que cela s’exprime bien concrètement.

Et la Résurrection de Notre Seigneur, crois-tu qu’elle s’est déroulée physiquement, ou penses-tu qu’il ne s’agit qu’une d’une vague idée, une image, un symbole qui a émergé il y a 2000 ans ? Pourtant, Jésus n’a-t-il pas invité Thomas, l’incrédule, à mettre sa main dans son côté, et ses doigts dans ses plaies (Jean 20, 24-29) ? Cela n’est-il pas concret ? L’Évangile ne te montre-t-il pas encore le Christ en train de dire aux Apôtres qu’il n’était pas un fantôme au point de leur réclamer du pain et des poissons à manger pour prouver cette réalité (Luc 24, 36-43) ? Le Christ est ressuscité avec une chair glorieuse, d’une matérialité dépassant ce que nos lois physiques nous permettent de comprendre pour l’heure. Alors, concret ou farfelu le Seigneur ?

Et s’il s’agissait de balivernes, crois-tu que Dieu aurait dit dans le livre du Deutéronome : « Il ne se trouvera chez toi personne […] qui s’adonne à la divination, à la magie, qui soit augure ou enchanteur, qui recoure aux charmes, qui consulte les évocateurs et les devins et qui interroge les morts. » (Dt 18, 10-11) ? Tu ne penses tout de même pas que Dieu parle pour ne rien dire ? Sa mise en garde a pour but de nous préserver de dangers réels et concrets à jouer avec ce genre de force.

Et dans la Divine Liturgie, lors de la consécration du pain et du vin, que crois-tu qu’il se passe ? Un symbole, une simple commémoration émotionnelle, un sympathique repas ? Non, il se passe un miracle bien concret mais d’une simplicité déconcertante : le Christ est réellement présent sous les apparences du pain et du vin. Et si tu ne crois qu’à ce que tu vois, alors dis-moi pourquoi tu crois ce que te raconte un ami, ce qui est écrit dans la presse et non ce que t’enseigne l’Église ? Et j’espère que tu ne limites pas tes croyances à tes connaissances, car, humblement, reconnais que celles-ci sont limitées.

Et les apparitions de la Vierge Marie, et les phénomènes surnaturels que des saints mystiques ont connus comme Pierre, Paul, Antoine, Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila, Philippe Néri, François de Sales, Jean-Marie Vianney, Jean Bosco, Thérèse de l’Enfant-Jésus, Padre Pio, et bien d’autres ? Crois-tu qu’ils aient rêvé ? Certes, ils n’ont pas été jugés saints à partir de leurs dons paranormaux (lecture d’âme, bilocation, lévitation, don des larmes, don de prophétie, perception de l’au-delà, etc.) mais Dieu leur a donné des signes et des dons pour les aider dans leur vie de foi et pour aider leur prochain à marcher sur ce chemin d’éternité. Toi qui crois en un Dieu mort et ressuscité, comment n’accepterais-tu pas la proximité du ciel, l’existence de phénomènes paranormaux, qui ne sont d’ailleurs pas spécifiquement chrétiens mais qui existent sous toutes les latitudes et dans tous les temps ? Es-tu attentif aux signes que Dieu peut t’avoir envoyés pour te prouver son amour ou l’amour d’un proche que tu as perdu (un songe, un rêve, l’intuition d’une présence à tes côtés, un signe de la nature, une parole de réconfort, une rencontre providentielle, un objet retrouvé, etc.). Certes, cela n’a pas forcément l’aspect spectaculaire dont témoignent les séries télévisées, mais pourtant c’est la réalité et tu sais au fond de toi que tu ne délires pas. L’essentiel n’est pas de le raconter à tout le monde mais de vivre si possible dans la discrétion cette affection concrète que Dieu te témoigne pour t’aider à progresser dans son amour, dans la foi et à témoigner de lui.

Bien évidemment, l’Église te dit que tous ces phénomènes ne sont pas à rechercher car le danger est de s’y arrêter et de s’y complaire au point que l’orgueil te pousse ensuite à croire que tu en es propriétaire. Tu risquerais finalement de te couper de Dieu : ce serait la chose la plus terrible qui puisse t’arriver. Mais si Dieu te les accorde, sache les cultiver avec sagesse.

Chrétien, la vérité de ces réalités spirituelles et la joie qu’elles procurent, c’est de savoir que Dieu est proche de toi à tous les instants de ta vie. Non seulement Dieu, mais les anges, les saints et les défunts. Le ciel est en permanence à tes côtés car l’amour de Dieu surpasse les lois physiques, le temps terrestre et bien évidemment la mort. Il s’exprime concrètement car Dieu respecte infiniment sa créature dans son aspect humain et charnel. Autrement, il ne serait pas logique avec lui-même et il n’aurait pas envoyé son Fils assumer notre condition humaine. Au ciel, tu retrouveras aussi ceux que tu n’as pas cessé d’aimer bien que disparus à tes yeux. Parle donc d’eux au présent et non au passé, pour ne pas les attrister. Je te conseille d’ailleurs la lecture du poème de Péguy (« Je suis seulement passé dans la pièce à côté »). Ouvre ton esprit, ton âme et ton cœur à cette dimension surnaturelle et mystique. Elle te comblera et ne fera pas de toi un être éthéré. Je te conseille encore la lecture du livre de Philippe Rayet, Après la mort ? communion de saints, résurrection de la chair, vie éternelle (éd. F. -X. de Guibert). N’oublie pas que si tu ne passes que quelques années sur cette terre, en revanche tu vivras l’éternité au ciel ! Cela vaut tout de même la peine de s’y intéresser concrètement un instant, non ?

• Vincent Terrenoir

Novembre 2007

[1] Internet recense quatorze séries télévisées dont notamment : « Afterlife », « Angel », « Dead Zone », « Greco », « Heroes », « Les 4400 », « Medium » et « Supernatural ».